Comment conserver les pommes de chou-fleur pendant l’hiver?
Voici comment les maraîchers parisiens du 19e siècle conservaient leurs pommes de chou-fleur pendant l'hiver.
Ce guide provient d’auteurs du 19e siècle parisiens nous transmettant leur savoir, trucs et astuces d’agriculteur (par J. G. Moreau et J. J. Daverne). Il est tiré du site web: l'agriculture du 19ième siècle de Bertrand Masson.
Méthodes de conservation
On a conseillé d'arracher les pieds de chou-fleur à l'approche des gelées et de les replanter près à près dans une cave ou un cellier; on a conseillé de couper les têtes ou pommes des choux-fleurs, de les débarrasser des plus grandes feuilles et de les poser de côté, sur des planches ou des tables, dans un endroit à l'abri de la gelée et de la grande lumière.
Ces deux procédés peuvent être bons pour conserver des pommes de chou-fleur pendant quinze jours, un mois ; mais bientôt l'humidité les tache, et, une fois tachés, la pourriture les gagne de plus en plus, et leur conservation est compromise.
Voici le moyen que nous employons, avec le plus grand succès, pour conserver les têtes ou pommes de chou-fleur, parfaitement saines et très-blanches, depuis le mois de novembre jusqu'au 15 avril et au delà.
D'abord il faut posséder, sous sa maison ou ailleurs, une espèce de cellier, enterré d'environ 1 mètre 66 centimètres, qui ait une fenêtre à chaque extrémité, pour pouvoir y établir un courant d'air (une cave voûtée en pierre ne serait pas aussi convenable ). On fiche sur les côtés des solives du plancher un ou deux milliers de clous, à la distance de 27 à 30 centimètres l'un de l'autre : tous ces clous sont destinés à recevoir chacun un chou-fleur chaque hiver.
À la fin de novembre et par un jour sec, on fait choix, dans un carré de choux-fleurs durs, car ce sont ceux qui se gardent le mieux, des pins belles pommes ; on les coupe un peu bas, de manière à leur laisser un trognon ou bout de tige long de 10 à 15 centimètres. On détache entièrement les feuilles qui se trouvent sur le bas de ces trognons, mais on raccourcit seulement, à la longueur de 8 à 10 centimètres, celles qui avoisinent ou entourent la pomme du chou-fleur. Ces bouts de feuilles ménagés garantissent la pomme, par les côtés, contre les chocs et les pressions, mais n'en garantissent pas le dessus ; il faut donc, en les portant et les déposant sur une table dans le cellier où elles doivent être conservées, prendre bien garde de les froisser en aucune manière.
Arrivées sur la table dans le cellier, le maître maraîcher achève de leur faire leur toilette, c'est-à-dire qu'il ôte des feuilles et du trognon ce qui lui paraît inutile; ensuite il attache au trognon de chaque pomme une ficelle longue de 16 à 20 centimètres, et pend les pommes de chou-fleur, la tête en bas, aux clous des solives du plancher.
Quand les choux-fleurs sont ainsi pendus, dès la fin de novembre, il faut leur donner certains soins pour en conserver jusqu'au mois d'avril; ce sont ces soins que nous allons expliquer.
Tant qu'il n'y a ni gelée, ni grande pluie, ni brouillard, on laissera les deux fenêtres du cellier ouvertes, pour qu'il y ait, autant que possible, un courant d'air pour chasser l'humidité, qui est très contraire à la conservation des choux-fleurs ; si, plus tard même, quand la gelée oblige de tenir les fenêtres fermées, l'humidité se manifeste, on allume dans le cellier quelques terrinées de braisé pour sécher l'air ; mais, ce qui est d'une nécessité encore plus grande, c'est de visiter chaque chou-fleur, au moins une fois par semaine, pour ôter les feuilles qui peuvent pourrir sans tomber, pour voir si quelque partie de la pomme ne se tache pas, et livrer à la consommation ceux de ces choux-fleurs qui paraissent devoir se conserver le moins longtemps.
Pendant que les choux-fleurs sont ainsi suspendus, ils se fanent un peu et peuvent diminuer de volume d'environ un quart ; mais on les fait revenir à leur état naturel quand on se dispose à les porter à la halle : pour cela, on coupe quelques millimètres du bout du trognon, on plonge, à plusieurs places, la pointe d'un couteau dans la chair du trognon, et l'on a sous la main un baquet d'eau fraîche dans lequel on plonge ce trognon pendant vingt-quatre ou trente-six heures, sans en mouiller la tête par cette opération, le chou-fleur reprend sa fraîcheur, sa première grosseur, conserve sa blancheur, et ne perd rien de sa qualité : il ne diffère d'un chou-fleur nouvellement cueilli qu'en ce qu'il a successivement perdu les portions de feuilles qui l'entouraient, soit parce qu'elles sont tombées d'elles-mêmes, soit parce qu'on lés a ôtées, dans les visites, pour s'opposer à la pourriture.