Comment cultiver des vivaces à fruits décoratifs?
On cultive surtout les plantes vivaces herbacées pour leurs fleurs (marguerites, hémérocalles, pivoines, etc.) ou leur feuillage (hostas, fougères et autres).
Mais on connaît peu les vivaces à beaux fruits. Jetons un coup d’œil sur ces plantes assez spéciales.
Peu nombreuses
Il faut dire qu’il y a relativement peu de vivaces à jolis fruits : les fruits colorés sont surtout le domaine des arbres et arbustes (sorbiers, pommetiers, viornes, aronies, etc.).
Mais si les vivaces qui ont une belle fructification sont rares, cela ne veut pas dire que celles qui existent ne sont pas attrayantes.
Et de plus, la plupart offrent deux saisons d’intérêt : une belle floraison au printemps ou au début de l’été et de jolis fruits plus tard dans la saison.
Donc, ce sont des plantes fort intéressantes qui ne manquent que d’une certaine publicité pour atteindre le succès.
Maïanthème à grappes (Maianthemum racemosum)
D’abord, vous connaissez peut-être cette plante sous un autre nom, car elle portait autrefois le nom de smilacine à grappes (Smilacina racemosa).
Cette plante des sous-bois nord-américains rappelle un peu le sceau-de-Salomon (Polygonatum), avec des tiges arquées portant des feuilles ovales pointues, mais plutôt que d’avoir de petites fleurs pendantes un peu cachées par le feuillage, le maïanthème à grappes a des fleurs parfaitement visibles, étant produites à l’extrémité de la tige.
Elles forment une grappe de petites fleurs blanches plumeuses parfumées à la fin du printemps : un bon début pour la saison. Mais par la suite se développent de petits fruits ronds d’abord verts puis dorés qui finissent par devenir rouge vif à l’automne. Ils sont comestibles, mais leur goût doux-amer ne plaît pas à tous.
La plante se multiplie avec le temps grâce à de courts rhizomes souterrains, formant une belle grosse touffe. On peut la diviser si la touffe devient trop large.
Cultivez le maïanthème à grappes à la mi-ombre ou à l’ombre dans presque tout sol bien drainé.
Dans les sites au sol plutôt riche et humide, il atteint jusqu’à 1 m de hauteur; dans les sols plus secs ou plus pauvres, ou si on le cultive au plein soleil, il restera plus petit, parfois moins de 60 cm.
Zones de rusticité : 2 ou 3 à 8.
Actées (Actaea spp.)
Il y a plusieurs actées à fruits ornementaux, toutes de superbes plantes de jardin ombragé. Au printemps, lors de la floraison, elles se ressemblent toutes : des vivaces de taille moyenne (60-80 cm de hauteur) avec de grandes feuilles vertes fortement découpées à la manière d’une astilbe et de petites grappes de fleurs plumeuses blanches, un peu en forme de brosse à bouteille. C’est lors de la fructification qu’on peut vraiment les distinguer.
L’actée rouge (A. rubra), courante en forêt presque partout en Amérique du Nord, produit des fruits rouge vif qui changent de couleur au début de l’été et qui conservent leur couleur jusqu’à l’automne. L’actée rouge à fruits blancs (A. rubra neglecta) produit, comme son nom le suggère, des fruits blanc crème. C’est une sous-espèce assez rare dans la nature. Zones de rusticité : 2 à 8.
L’actée en épi (Actaea spicata) est le pendant eurasiatique de l’actée rouge et en diffère surtout par ses fruits noirs. Zones de rusticité : 4 à 8.
L’actée à gros pédicelle (A. pachypoda), de l’est de l’Amérique du Nord, dont le Québec, produit des fruits qui restent verts tout l’été, mais qui deviennent à l’automne blanc crème avec un point noir à l’extrémité. De plus, la tige qui supporte les fruits (le pédicelle) devient enflée et rouge vif en même temps que la fructification, ce qui met les fruits blancs en évidence et en fait, d’après plusieurs jardiniers, la plus jolie des actées. A. pachypoda ‘Misty Blue’ est un cultivar populaire à feuillage bleu craie et à fruits blanc crème. La forme A. pachypoda rubrocarpa produit des fruits roses plutôt que blancs. Zones de rusticité : 2 à 8.
Les actées aussi sont des plantes de sous-bois, préférant l’ombre ou la mi-ombre, mais tolérant le soleil. Le sol idéal est riche et humide, mais se draine bien à la fonte des neiges et après les orages. En période de grande sècheresse, les actées peuvent entrer en dormance estivale et perdront alors leur feuillage et leurs fruits, mais repousseront au printemps suivant.
Fraisier ornemental (Fragaria × rosea)
Le fraisier ornemental résulte en fait d’une hybridation entre une potentille à fleurs rouges (Potentilla palustris) et un fraisier des jardins à fleurs blanches (F. × ananassa), ce qui a donné une plante tout à fait conforme à notre idée d’un fraisier, mais avec des fleurs roses ou rouges plutôt que blanches. Les premières variétés, comme ‘Lipstick’ ou ‘Shades of Pink’, produisaient beaucoup de fleurs, mais peu de fruits, mais les fraisiers ornementaux modernes, comme ‘Toscana’, ‘Rosalyne’ et les différentes variétés de la série Berried Treasure, produisent des quantités de belles grosses fraises rouges — aussi attrayantes que délicieuses! — et ce, pendant tout l’été et jusqu’en octobre.
Le fraisier ornemental forme une rosette de 15-25 cm de hauteur et de largeur, composée de feuilles trifoliées persistantes. Les fleurs à 5 pétales (plus pour les variétés semi-doubles) sont remontantes (elles se succèdent pendant tout l’été) et viennent en différentes teintes de rose, blanc ou rouge. La plante donne de longs stolons rampants qui produisent des bébés plants à leur extrémité, bébés qui s’enracineront pour former une nouvelle plante. Avec le temps, votre plante d’origine formera ainsi un joli tapis! On peut cultiver ces fraisiers en plate-bande, bien sûr, mais ils sont aussi très jolis en panier suspendu. Zones de rusticité : 3 à 8.
Quatre-temps ou cournouillier du Canada (Cornus canadensis)
Cette petite plante couvre-sol est surtout une résidente de la forêt boréale nord-américaine et asiatique, mais assez rare au jardin. Chaque plante porte 4 ou 6 feuilles en verticille au sommet d’une courte tige de 15 cm. Au centre de la couronne de feuilles se trouve une inflorescence composée d’une grappe de petites fleurs fertiles entourées de grosses bractées blanches. La floraison est l’attrait principal de la plante, mais les fruits rouges automnaux sont spectaculaires aussi. Cependant, la plante est autostérile : il faut donc 2 clones différents poussant à proximité pour assurer une bonne fructification. Le feuillage aussi rougit joliment à l’automne.
Plantez cette plante à demeure (elle n’apprécie pas les dérangements) dans un sol acide et plutôt humide, mais pas détrempé. Dans la nature, elle pousse généralement à l’ombre, mais elle tolère bien le soleil pourvu que son sol ne s’assèche pas. Surtout un bon choix dans les régions aux étés frais. Zones de rusticité : 2 à 6.
Lanterne chinoise (Physalis officinarum, syn. P. alkekengi)
Cette vivace, aussi appelée coqueret ou amour en cage, est très envahissante et je ne peux pas la recommander pour la plate-bande sans souligner un détail : il faut absolument la planter dans un emplacement où elle sera bien entourée d’une barrière enfoncée d’au moins 30 cm dans le sol et qui pourrait ainsi contrôler ses élans. Un gros pot dont vous aurez supprimé le fond conviendra bien.
Il s’agit d’une plante aux tiges dressées de 30 à 60 cm de haut et aux feuilles ovales pointues vert foncé, portant au début de l’été des fleurs blanc crème plutôt discrètes. D’ailleurs, toute la plante a l’air plutôt insignifiante… jusqu’à l’automne. À ce moment, des capsules papyracées en forme de lanterne, jusqu’alors vertes et peu visibles, prennent une teinte orange flamboyant et attirent tous les regards. On peut faire sécher les tiges avec leurs «lanternes» et ainsi les conserver pendant plusieurs années.
Au cœur de chaque capsule se trouve une petite «cerise» qui devient parfaitement comestible quand elle est rouge et pleinement mature, même si une légende urbaine prétend qu’elle est toxique. Le reste de la plante demeure toutefois toxique, y compris les fruits immatures.
Si la description de cette plante vous fait penser à une cerise de terre (Physalis pruinosa), vous avez bien raison : les deux sont des Physalis, mais la lanterne chinoise (P. officinarum) fait une plante nettement plus ornementale que la cerise de terre et aussi elle est solidement rustique (zones de rusticité 3 à 9) alors que la cerise de terre est une annuelle.
Et ce n’est qu’une partie des possibilités
Parmi les autres vivaces à fruits remarquables, pensez au fraisier des Indes (Duchesnea indica, maintenant Potentilla indica), à l’hydraste du Canada (Hydrastis canadensis), au muguet (Convallaria majalis) et aux divers triostes (Triosteum spp.), aralies/salsepareilles (Aralia spp.) et arisèmes (Arisaema spp.). La grande salsepareille (Aralia racemosa) est une autre exemple de vivace à fruits décoratifs.