Comment cultiver la laitue?
Voici comment les maraîchers parisiens du 19e siècle cultivaient la laitue.
Ce guide provient d’auteurs du 19e siècle parisiens nous transmettant leur savoir, trucs et astuces d’agriculteur (par J. G. Moreau et J. J. Daverne). Il est tiré du site web: l'agriculture du 19ième siècle de Bertrand Masson.
Description
Plante de la famille des composées.
Il y a plusieurs espèces et plusieurs variétés de laitue ; ce sont toutes plantes à racine pivotante, à suc lactescent. La plupart ont les feuilles radicales nombreuses, larges, qui s'emboîtent et forment une tète ou pomme à fleur de terre et qui est leur partie mangeable.
Quand vient l'époque de leur fructification, la pomme s'ouvre au sommet, et il en sort une tige rameuse, haute de 60 à 80 centimètres, qui se couvre de fleurettes jaunâtres, réunies plusieurs ensemble dans un involucre commun et auxquelles succèdent les graines. De toutes ces espèces ou variétés de laitue, on n'en connait que cinq dans la culture maraîchère de Paris.
La culture de la laitue hâtive dite petite noire
On appelle cette laitue petite noire, non qu'elle soit plus noire qu'une autre, mais parce que sa graine est noire. Elle est connue aussi sous le nom de laitue crêpe, parce que ses feuilles sont très-gaufrées.
Elle pomme sous cloche sans air et elle est cultivée à froid de la manière suivante:
Dans les premiers jours de septembre, on laboure un petit coin de terre en raison du nombre de cloches que l'on veut y placer. Après avoir passé le râteau sur cette terre labourée, on y étale du terreau de l'épaisseur de 3 centimètres et on le plombe, non avec les pieds, mais avec la pelle on le bordoir. Ensuite on prend une cloche, ou la pose sur le terreau, et, en appuyant un peu sur le sommet de la cloche, le rond de sa base s'imprime sur le terreau. On relève la cloche, on la repose à côté, on obtient une seconde empreinte, et ainsi de suite autant qu'on en a besoin. On sème la graine de laitue petite noire assez dru dans tous les ronds marqués sur le terreau, on recouvre la graine d'un demi-centimètre de terreau et on place une cloche sur chaque rond.
Si le soleil luit fort sur les cloches; on les ombrage avec un paillasson ou mieux avec une litière claire : en peu de jours la graine est levée; on continue de veiller à ce que le plant ne soit pas bridé par le soleil, sans cependant lui donner de l'air.
Bientôt le plant a deux feuilles outre ses cotylédons, et il ne faut pas tarder à le repiquer. Pour cela on prépare un ados, ou plusieurs ados à 1 mètre l'un de l'autre et tous inclinés au midi, et, quand ils sont couverts de terreau de l'épaisseur de 3 centimètres et bien plombé, on place sur chaque ados trois rangs de cloches en commençant par le rang de derrière ou le plus haut et en l'alignant au cordeau. On place ensuite les deux autres rangs en échiquier de manière que toutes les cloches se touchent et que chacune marque son empreinte sur le terreau.
Quand l'ados ou les ados sont ainsi clochés, on va arracher avec précaution le plant dont nous avons parlé et on vient le repiquer sous les cloches des ados de la manière suivante : On ôte quelques cloches d'un bout de l'ados en ménageant bien l'empreinte du rond qu'elles y ont fait; on calcule les distances pour qu'il tienne vingt-quatre ou trente plants dans chaque rond et que les plus près du cercle en soient encore éloignés de 5 centimètres. On prend un plant de la main gauche ; avec le premier doigt de la main droite on fait un trou dans le terreau et la terre proportionné à la longueur de la racine du plant. On insère cette racine dans le trou, et aussitôt on la borne en appuyant contre elle la terre et le terreau avec le doigt de la main droite. Quand tout le rond est ainsi planté, on remet la cloche dessus, on en repique un autre, et ainsi de suite jusqu'à ce que tout l'ados soit fini.
Ce plant n'a pas besoin d'être arrosé, mais il a besoin d'être garanti du soleil, quand il luit ardemment, par des paillassons que l'on déroule sur les cloches dans le milieu du jour.
Première condition — On fait des ados semblables à ceux où est actuellement le plant, on les cloche de même; on lève le plant avec la précaution de lui laisser une petite mette aux racines, et on le plante à la main, quatre par quatre, sous chaque cloche des nouveaux ados, en ayant soin de les placer de manière qu'il y ait assez de distance entre eux pour qu'ils puissent prendre tout leur développement, et en même temps assez loin du verre pour que leurs feuilles ne le touchent pas quand elles seront grandes et ne soient pas exposées à être brûlées.
Deuxième condition — En octobre, on a ordinairement de vieilles couches qui ne sont plus occupées et qui ont perdu toute leur chaleur; alors on relève leur terreau en forme d'ados, on le plombe avec le bordoir, on y place trois rangs de cloches en échiquier et on plante sous chacune d'elles quatre plants de laitue avec les soins et les précautions ci-dessus indiqués.
Troisième condition — Au lieu de planter le plant de laitue sous cloche, on peut le planter sous châssis : ainsi, dans la première condition, on aurait pu faire des rigoles et enfoncer les coffres jusqu'à ce que la terre, dans leur intérieur, ne fût plus qu'à 10 centimètres du verre, afin que la laitue qu'on y plantera ne s'étiole pas; dans la seconde condition, on aurait pu aussi remplacer les cloches sur les couches par des coffres et leurs châssis, toujours en se souvenant que la laitue noire ne s'élève qu'à la hauteur de 8 centimètres, et qu'il est très avantageux que le verre du châssis ne soit qu'à la distance de 2 à 5 centimètres de la laitue. Ceci bien entendu, on plante de quarante à cinquante laitues sous chaque panneau de châssis; on replace les panneaux de suite, afin que l'air ou le froid ne saisisse pas les jeunes laitues, et, comme à cette époque il peut arriver quelques petites gelées, il faudra s'en garantir en couvrant les châssis et les cloches avec des paillassons.
La laitue petite noire traitée ainsi est parvenue à sa grosseur à la fin de novembre et dans le commencement de décembre : elle ne pomme pas aussi bien qu'au printemps, mais elle est très tendre et très-estimée dans cette saison tardive.