Comment cultiver les chou-fleurs?
Voici comment les maraîchers du 19e siècle cultivaient les chou-fleurs ?
Ce guide provient d’auteurs du 19e siècle parisiens nous transmettant leur savoir, trucs et astuces d’agriculteur (par J. G. Moreau et J. J. Daverne). Il est tiré du site web: l'agriculture du 19ième siècle de Bertrand Masson.
Description
Cette espèce de chou diffère des autres en ce que ce ne sont pas ses feuilles qui forment sa tête, mais bien ses fleurs, qui, avant leur développement, se changent en une masse compacte de granulations blanches, charnues et tendres. Quand cette masse ou cette tête a pris tout son développement, qui atteint jusqu’à 16 ou 20 centimètres de diamètre sous une forme convexe, si on ne la coupe pas, il en sort plusieurs rameaux qui développent des fleurs en partie imparfaites, en partie parfaites ; et ces dernières produisent des siliques dont les graines reproduisent l’espèce.
La culture forcée du chou-fleur tendre (petit ou gros salomon)
Le chou-fleur qui convient le mieux à la culture forcée est celui que l’on a appelé jusqu’ici chou-fleur tendre (petit et gros salomon).
Le petit et le gros salomon que l’on veut avoir pommés au printemps se sèment en pleine terre, du 5 au 10 septembre. La terre où l’on doit les semer doit être labourée, hersée à la fourche ; on y sème la graine, et on l’enterre au moyen d’un nouveau hersage à la fourche, ensuite on y passe le râteau ; enfin on étend sur le tout un lit de terreau fin épais de 2 centimètres. Aussitôt on donne une bonne mouillure, et on entretient la terre humide jusqu’à ce que la graine soit levée, ce qui en cette saison arrive en moins de huit jours.
Quand le jeune plant est bien levé, qu’il commence à avoir deux feuilles, non compris les oreillettes (cotylédons), on laboure d’autres planches et on place des coffres près à près sur le labour, puis on herse la terre qui se trouve dans les coffres, et on la couvre d’un lit de terreau épais de 4 centimètres.Quand le terreau est bien étendu, on le plombe fortement avec le bordoir ; ensuite on procède au repiquage du plant de choux-fleurs.
Pour lever le plant, il est toujours avantageux de le mouiller une ou deux heures d’avance. Ensuite, lorsqu’on veut le prendre, de le soulever en passant une bêche au-dessous des racines : en prenant ces précautions, le plant se tire de terre avec toutes ses racines ; il reste un peu de terre entre ses radicelles qui contribue à le faire reprendre plus promptement quand il est repiqué. Lorsqu’on a levé ainsi une certaine quantité de plants, on va les repiquer dans les coffres de cette manière.On tient une poignée de plants de la main gauche ; avec le doigt indicateur de la main droite on fait un trou perpendiculaire dans le terreau et la terre, proportionné à la racine et à la tige de la plante.
On enfonce le plant jusqu’aux feuilles avec la main gauche et on le borne avec le même doigt indicateur de la main droite. Les plants se repiquent, cette première fois, à environ 7 ou 9 centimètres l’un de l’autre, ou de manière qu’il en tienne de cent cinquante à deux cent cinquante sous l’étendue d’un panneau de châssis, ou, ce qui revient au même, quatre cent cinquante à sept cent cinquante plants dans un coffre à trois panneaux.On ne doit pas tarder à mouiller le plant, après qu’il est planté, afin de l’attacher promptement à la terre, et, si le temps est encore chaud et sec, on le soutiendra convenablement à la mouillure.
À la fin de novembre, le plant s’est fortifié et endurci ; mais il ne faut pas qu’il croisse trop vite.
On labourera donc d’autres planches, on y placera d’autres coffres, on en préparera la terre comme précédemment, et on y transplantera ce même plant en l’espaçant un peu plus ou de manière qu’il y en ait environ cinquante de moins sous chaque panneau, selon sa force, et en l’enfonçant jusqu’aux feuilles.
Cette seconde plantation a pour but de retarder la croissance du plant et de l’endurcir en même temps pour le mettre à même de mieux résister au froid. Tant qu’il ne gèle pas, le plant doit rester à l’air libre, c’est-à-dire qu’il ne faut mettre les châssis sur les coffres qui le contiennent que quand il commence à geler. Alors, pendant le jour, on tient les châssis ouverts par derrière au moyen de cales en bois taillées de manière à pouvoir soulever le derrière des châssis depuis 2 jusqu’à 10 centimètres, et le soir, on retire l’air en retirant les cales.
Si la gelée devient forte, on met des paillassons sur les châssis ; si elle augmente, on fait un accot autour du coffre ; si elle augmente, encore, on double et on triple les paillassons ; enfin on s’arrange de manière à ce que la gelée ne puisse arriver jusqu’au plant, et à l’en garantir sans aucune chaleur artificielle. Quand le soleil luit, on ôte les paillassons, pour que le plant jouisse de la lumière : s’il fait doux, on donne un peu d’air dans le jour ; mais le soir, il faut rabattre l’air et couvrir, crainte d’accident.
Dans certains hivers, on est quelquefois forcé de laisser le plant de chou-fleurs renfermé sous les châssis pendant plus d’un mois sans air et sans lumière : cette longue obscurité l’attendrit et le rend plus sensible à l’impression de l’air et de la lumière ; c’est pourquoi, quand la saison des fortes gelées est passée, il ne faut lui donner de l’air et de la lumière que très modérément et n’augmenter l’un et l’autre que peu à peu.
Dans le premiers jours de février, il faut planter une partie de ce plant de choux-fleurs en place et réserver l’autre pour être plantée un mois plus tard.
Au mois de février, les maraîchers primeuristes ont déjà plusieurs couches qui ont rapporté de la laitue au moyen de coffres et de châssis, et on remplace les laitues par des choux-fleurs de la manière suivante : on enlève d’abord les châssis et on laisse les coffres en place ; on retournera ces couches, c’est-à-dire qu’on labourera le terreau qui est dans les coffres ; après quoi, on procédera à la plantation des choux-fleurs.
Nous avons déjà dit que l’on sème et plante en même temps pour primeurs le petit et le gros salomon ; l’un et l’autre se plantent au plantoir, sur deux rangs sous chaque panneau de châssis, un rang par en bas, à 20 ou 22 centimètres du bois, et un rang par en haut, à égale distance du bois du coffre : si c’est du petit salomon, ou en met quatre pieds dans chaque rang, parce qu’il ne vient pas gros ; si c’est du gros Salomon, on n’en met que trois pieds dans chaque rang, et entre les deux rangs de choux-fleurs, gros on petit, on plante trois rangs de laitue gotte à six par rang ; aussitôt que la place d’un panneau est plantée, on mouille le plant pour l’attacher à la terre et on remet le panneau dessus de suite.
On donne de l’air aux choux et aux laitues tous les jours, autant qu’il est possible, et on couvre la nuit si la gelée est à craindre ; on augmente l’air peu à peu : bientôt les choux sont près de toucher le verre des châssis ; alors on rehausse les coffres en plaçant de gros tampons de paille sous les quatre encoignures. Une fois la fin de mars ou le commencement d’avril arrivé, on profite d’un temps doux pour ôter les coffres et les châssis, pour les employer à la culture des melons.
Les choux-fleurs mis ainsi à nu dès les premiers jours d’avril peuvent être encore exposés à quelques gelées tardives, à la grêle : pour parer à ces inconvénients, les maraîchers soigneux établissent sur leurs chou-fleurs des rangs de gaulettes, pour recevoir des paillassons en cas de besoin. À mesure que le temps devient chaud et que les choux grandissent, il faut augmenter la mouillure.
Dès le 10 ou le 12 avril, on doit voir des pommes se former sur le petit salomon, et huit jours après sur le gros salomon ; c’est alors qu’il faut commencer à visiter les choux-fleurs tous les deux jours, et, dès qu’on aperçoit une pomme grosse comme un œuf de poule, on s’empresse de casser quelques feuilles inférieures du chou et de les appliquer bien exactement sur la pomme, de manière à la priver d’air et de lumière, afin qu’elle conserve toute sa blancheur. En grossissant, la pomme se découvre plus ou moins ; dans une autre visite, on la recouvre en cassant et faisant tomber sur la pomme les grandes feuilles qui l’entourent. Enfin il faut visiter les choux-fleurs aussi souvent pour voir si les têtes sont bonnes à cueillir que pour les couvrir quand elles commencent à se montrer.
On juge qu’une tète est bonne à cueillir dès qu’elle commence à se desserrer, à s’écailler en terme de maraîcher : de ce moment, le chou-fleur va en diminuant de sa valeur, quant à son apparence, quoiqu’il conserve encore sa bonne qualité. La récolte des petits et des gros salomons, cultivés de la manière que nous venons d’expliquer, peut durer du 25 avril au 25 mai.
La culture du chou-fleurs du printemps
Ce chou-fleur n’est pas une espèce particulière ; c’est le chou-fleur demi-dur, ou le chou-fleur dur qui est planté en pleine terre en cette saison.
Ces choux ont dû être semés à la même époque, traités et soignés pendant tout l’hiver absolument comme ceux de culture forcée. Étant restés environ un mois de plus en place, ayant joui plus longtemps de l’air et de la lumière, ils sont plus forts, lorsqu’on les plante en pleine terre, que n’étaient les autres lorsqu’on les a plantés sous châssis. C’est à la fin de février et au commencement de mars qu’on les plante en pleine terre. On en plante d’abord en côtière pour les garantir du froid et les avancer, ensuite en planches quand on ne craint plus de fortes gelées et toujours en même temps que la laitue romaine.
La plantation en côtière : Dans une côtière large de 2 mètres 55 centimètres, où l’on doit planter douze rangs de romaine, on laisse vides, sans les planter en romaine, deux ou trois de ces rangs : si on se décide pour deux rangs, on choisira le deuxième sur chaque bord ; si on préfère trois rangs de choux-fleurs, on ménagera un troisième rang au milieu de la côtière, et, quand la romaine sera plantée de la manière que nous dirons en son lieu, on plantera les deux ou trois rangs de choux-fleurs, à 2pieds (65,0cm) l’un de l’autre dans le rang.
Quand a on soulevé les choux en pépinière avec une houlette et qu’on les a tirés de terre, il faut réformer ceux qui sont borgnes ou n’ont pas de cœur, ceux qui ont des protubérances au collet, parce que ces protubérances contiennent presque toujours des œufs ou des larves d’insectes, ceux dont les racines seraient endommagées ou en mauvais état. Le choix étant fait, on entre-plante, c’est-à-dire qu’on plante avec le plantoir ces choux-fleurs dans les lignes qui leur sont réservées parmi les romaines, à 66 centimètres l’un de l’autre dans ces lignes, en ayant soin de les enfoncer jusqu’aux feuilles, de les bien borner et de les arroser pour les attacher à la terre.
Il y a peu de chose à faire à ces choux-fleurs jusque vers la fin d’avril, époque où la terre commence à s’échauffer dans les côtières plus qu’en plein carré : si, alors, le soleil est favorable, on les arrosera amplement ; il pourra même arriver que, dans les premiers jours de mai, les choux-fleurs aient besoin qu’on leur donne un arrosoir d’eau, pour trois pieds, deux fois par semaine quand leur pomme commence à se former. Enfin on couvrira les pommes, pour conserver leur blancheur, et la plupart seront bonnes à porter à la halle vers la fin du mois de mai.
La plantation en planches — On y plante les chou-fleurs que huit ou quinze jours après que les côtières sont plantées. Les choux se plantent, se soignent absolument dans les planches comme dans les côtières ; ils sont plus exposés à être desséchés par les vents, mais on les arrose davantage et leur pomme est bonne à être coupée dans le commencement de juin.
La culture du chou-fleur d'été
C’est le chou-fleur demi-dur que l’on préfère pour cette saison ; on le reconnaît à ses feuilles plus larges, à sa tige ordinairement plus grosse et plus courte.
On sème ce chou-fleur, à la fin d’avril ou dans les premiers jours de mai, sur un bout de vieille couche, et, aussitôt qu’il a deux feuilles, on le repique en pépinière ; mais, si on a assez de place pour le semer clair, on ne le repique pas.
Il se trouve bon à être planté dans les premiers jours de juin, même dès la fin de mai, et bon pour la vente en juillet et août. Nous ferons observer qu’il est difficile d’obtenir de beaux choux-fleurs, l’été.
La culture du chou-fleur d'automne
On choisit pour cette saison le chou semi-dur et le dur ; le premier montre sa pomme avant le dernier.
Du 8 au 15 juin, on sème ce chou-fleur dans une planche préparée à l'ombre, humide s'il est possible, afin que l'altise ne le mange pas trop, et assez clair pour qu'on ne soit pas obligé de le repiquer. On l'entretient à la mouillure pour le fortifier, et le maintenir tendre jusqu'à ce qu'il soit bon à planter.
Les choux-fleurs de cette saison sont ceux que l'on fait en plus grande quantité; d'abord, parce que la saison leur est plus favorable, ensuite parce que leurs pommes se forment de la mi-septembre à la fin de novembre, et qu'on peut en garder jusqu'en avril, de sorte qu'on peut en manger pendant sept mois consécutifs.
Quand notre plant est bon à planter, ou laboure successivement la terre qui doit le recevoir, et en général, ils aiment la bonne terre, on leur choisit la meilleure.
Quand la terre est bien labourée, on la divise par planches larges de 2 mètres 53 centimètres. On les herse avec une fourche, on y passe le râteau, ensuite on étend un bon paillis sur les planches. Cela étant fait, le maître maraîcher trace avec les pieds neuf ou onze lignes ou rangs sur la longueur des planches. On a dû arroser le plant deux heures auparavant, afin de faciliter son soulèvement avec une bêche, et qu'on puisse le tirer de terre avec toutes ses racines, et même avec un peu de terre. On l'examinera comme nous l'avons dit précédemment; on réformera les pieds défectueux et on portera les bons au près des planches préparées.
Si l'on a décidé de ne planter que deux rangs de choux-fleurs par planche, on choisira la seconde ligne de chaque côté de la planche; si on a décidé d'en planter trois rangs, on prendra la ligne du milieu pour planter le troisième rang. Alors on prend un plantoir, et on plante les jeunes choux-fleurs à 66 centimètres l'un de l'autre dans ces deux ou trois lignes. Ce jeune plant, n'ayant pas été repiqué, a la tige un peu longue ; il faudra donc faire le trou plus creux, y enfoncer le chou jusqu'aux feuilles, afin qu'il se développe de nouvelles racines sur la lige enterrée, borner solidement, enfin arroser aussitôt la plantation finie.
Quand on ne plante que deux rangs de choux-fleurs par planche, c'est que l'on a projeté de planter dans les autres lignes de la chicorée ou de la scarole, et la plantation de ces légumes peut se faire immédiatement avant ou immédiatement après celle des choux-fleurs. Si, au contraire, on a planté trois rangs de choux-fleurs par planche, c'est souvent parce qu'on projetait de ne rien planter de plus, mais de semer des mâches, ou des épinards, ou du cerfeuil, parmi les chou-fleurs. Dans ce dernier cas, on ne met pas de paillis sur les planches ; on les plombe, on sème, on herse y et on répand une légère couche de terreau sur le semis.
Comme c'est dans la saison la plus chaude que l'on plante le chou-fleur d'automne, et que le chou aime beaucoup l'eau, on ne peut trop l'arroser, jusque dans l'automne, à la pomme ou à la gueule. Pour arroser de cette dernière manière, on fait une fossette entre deux pieds de chou-fleur, et on y verse un demi-arrosoir d'eau.
C'est aussi le temps où la chenille du chou se multiplie avec abondance dans certaines années, et lui ferait un tort considérable si on n'avait pas soin de la détruire continuellement. Enfin, si les arrosements surtout n'ont pas manqué, les choux devront avoir atteint toute leur force à la fin de septembre ; les demi-durs commenceront à marquer, leurs pommes se feront dans le courant d'octobre et de novembre. On les couvrira, comme nous l'avons dit pour le chou-fleur en culture forcée. Quant au chou-fleur dur, il ne vient qu'après le demi-dur; c'est en novembre et décembre qu'il donne son produit, et sa pomme, plus ferme que les autres, se garde aussi plus longtemps.
Dans les automnes froids, ou, si on n'a pas assez arrosé, dans les automnes secs et chauds, il arrive même que plusieurs pieds de chou-fleur dur ne montrent pas encore leurs pommes quand les gelées arrivent. Alors, si l'on a encore un certain nombre de choux-fleurs durs qui ne marquent pas, on les arrache, ou supprime les plus vieilles feuilles et on les replante, près à près et jusqu'aux feuilles, dans une côtière, où on les garantit de la gelée avec de la litière; ou, mieux encore, on ôte un fer de bêche de terre dans un coffre, on plante les choux-fleurs dans le fond, on les couvre de châssis, on fait un accot, on couvre, etc., et les pommes se forment pendant l'hiver.