Comment effectuer la fermentation du vin et eaux-de-vie de petits fruits?
Voici comment était effectuer la fermentation du vin de fruits et eaux-de-vie de fraise.
Ce guide provient d’auteurs du 19e siècle parisiens nous transmettant leur savoir, trucs et astuces d’agriculteur (par Pierre Andrieu). Il est tiré du site web: l'agriculture du 19ième siècle de Bertrand Masson.
Les levures
Les levures du raisin sec, ainsi que celles du raisin frais, sont en partie composées de levure elliptique, ou ellipsoïdale, qui est la plus apte à l'alcoolisation du sucre. À ce sujet, nous reproduisons une Note très intéressante de M. Alphonse Rommier sur les vins et eaux-de-vie de framboises et de fraises, où l'action utile de la levure elliptique est bien déterminée (Compte, rendu, de l'Académie des Sciences, 1886, page 1266.)
Depuis longtemps on retire des eaux-de-vie des vins obtenus par la fermentation de presque tous les fruits. Elles sont désignées dans le Manuel Roret sous le nom de marasquin,. II est reconnu que la fabrication en est souvent défectueuse, certains fruits ne fermentant que lentement et, par suite, d'une façon incomplète. C'est ainsi que la framboise, suivant l'observation de M. Le Bel, possède sur sa pellicule un ferment particulier auquel ce savant a donné le nom de levure Wurtzii. et qui n'est pas apte à transformer en alcool la totalité du sucre. Le vin qui en résulte ne renferme, en effet, que de 2 à 2,5 % d'alcool, au lieu de 5 % qu'il devrait donner par une fermentation régulière. Il était intéressant de rechercher si le manque d'activité de la levure de la framboise provenait de son peu d'énergie naturelle ou si son action était paralysée par les principes essentiels contenus dans le fruit. Mais, au lieu de cultiver cette levure dans du jus de raisin, comme l'a fait M. Le Bel, afin de vérifier comme elle s'y comportait, on a simplement ajouté à la framboise écrasée une levure d'une grande énergie qui jouit de la propriété de communiquer aux liquides fermentés une odeur vineuse, la levure de vin ellipsoïdale: et alors il est arrivé ce fait, que la fermentation, au lieu de se présenter d'une façon languissante et de s'arrêter après la production d'une faible quantité d'alcool, a transformé non seulement tout le sucre contenu dans le fruit, mais encore deux à trois fois autant qu'il en renferme ordinairement.
Entre autres expériences, le l0 juillet 1883, on a mis à fermenter dans un grand flacon muni d'un tube abducteur plongeant dans l'eau: 16 kg de framboises qu'on a privées de leurs pédoncules, 200 cm3 d'un jus de raisin contenant de la levure ellipsoïdale bien active, 2 kg de sucre ajoutés successivement.
Cette fermentation qui a été bientôt très vive, a duré dix-huit jours, par une température presque constamment voisine de 30°. Le jus alcoolique qui en a été tiré, passé rapidement au travers d'une chausse et mis à déposer dans un grand flacon, s'est éclairci en l'espace de quelques jours. Il était alors entièrement fermenté et ne contenait plus une trace de sucre reconnaissable au saccharimètre. Il dosait 18 % d'alcool. Mis en bouteilles, il a donné un dépôt abondant, adhérent au verre et s'est conservé depuis plus de trois années avec son parfum framboisé qui a acquis avec le temps une grande finesse. Mais ce vin a le défaut d'être acide: la framboise contient, en effet, une quantité importante d'acide citrique qui n'est pas éliminé par la fermentation à l'état de sel acide comme l'acide tartrique du raisin, et dont la majeure partie reste alors dans le vin.
Vins de fruits et eaux-de-vie de fraise
Les belles et grosses fraises qu'on cultive aux environs de Paris, et qui sont des hybrides des variétés américaines, possèdent une levure plus complète que celle de la framboise et qui est capable de transformer tout leur sucre en alcool. Mais, pour obtenir une fermentation bien active avec ces fruits, surtout si les additionne de sucre, il est utile de leur ajouter aussi de la levure ellipsoïdale. Le vin de fraise, moins acide que celui de la framboise, plus agréable à boire et se conserve bien lorsqu'on le fabrique de manière qu'il atteigne environ 16 % d'alcool. L'eau-de-vie qui provient par distillation en possède le parfum: il s'exalte avec le temps mais sans se modifier sensiblement. Celle qui est fabriquée avec fraise anglaise, quoique faite avec le double de sucre contenu dan le fruit, est encore tellement aromatisée qu'elle est à peine buvable. cependant, quand on en met une petite quantité dans un verre d'eau, mieux dans une tasse de thé, son parfum de fraise ananas se développe dans toute sa pureté; ce qui indique qu'on aurait pu lui faire subir une dilution alcoolique plus grande en faisant fermenter le fruit avec une quantité de sucre plus considérable.
Il a été reconnu dans ces derniers temps que la levure Wurtzii, ainsi que d'autres, comme la levure apiculatus, qui l'accompagne assez fréquemment, ne jouissent pas de propriétés inversives. Il en résulte que ces levures incomplètes n'ont d'action que sur le sucre interverti, et ne peuvent pas transformer le sucre de canne qui existe aussi simultanément dans beaucoup de fruits acides, tels que les pommes, les poire les cerises, les prunes, les pêches, les abricots dont les jus restent, longtemps sucrés; mais en ajoutant de la levure ellipsoïdale à ces fruits écrasés, comme je l'ai fait pour la framboise et pour la fraise, on obtient facilement des rendements alcooliques plus élevés par la transformation de la totalité de leurs principes sucrés et des produits de meilleur qualité par la régularisation de leur fermentation.
Le fermentation
Généralement, les vins de fruits ne peu vent donner lieu à une fabrication aussi considérable que celle du vin de raisin. On les met à fermenter le plus souvent dan de grands flacons ou dans des fûts dont la capacité dépassera rarement 6 hl à 7 hl. Ces fûts sont mis debout, à 30 cm au-dessus du niveau du sol, pour pouvoir facilement les vider par le robinet placé au bas. Le fond supérieur en sera enlevé et servira ensuit de couvercle.
Afin d'empêcher l'engorgement du robinet, on fixera devant son ouverture, dans l'intérieur du fût, un paillis des copeaux de chêne ou une petite grille. Pour les jus fermentant sans marcs, le fût ne sera pas défoncé; il sera placé su chantier et le jus sera introduit par la bonde supérieure. Quel que soient les récipients servant de cuves, ils devront être rigoureusement propres et ne devront dégager aucune mauvaise odeur. Il en est de même de toute la vaisselle vinaire employée.
Lorsqu'on versera dans la cuve ou le tonneau le fruit écrasé, le levain et le sucre, on devra laisser un vide d'un cinquième environ, à cause du gonflement produit par la fermentation. On prendra les précautions nécessaires pour que la température du liquide soit, au début, d'environ 23° à 25°. La chaleur qui sera développée par la fermentation élèvera cette température à 30° - 35° environ, mais il faut que le local où sera placée la cuve ne soit pas froid au point de faire baisser cette température. Au besoin, on le chauffera. Il ne faut jamais perdre de vue que la température joue un rôle important dans le bon achèvement de la fermentation, surtout lorsque le moût a été sucré. Dans ce local, une grande propreté, l'absence de poussières, de matières animales ou végétales et de vins aigris sont indispensables pour que de mauvais ferments ne viennent pas altérer le liquide en préparation.
Lorsque le jus du fruit fermentera avec le marc, il est à craindre que le chapeau qui, pendant la fermentation, viendra surnager à la surface ne s'aigrisse au contact de l'air. On immergera celui-ci d'une façon permanente dans la masse du liquide au moyen d'une claie circulaire faite d'osier ou de petites lattes de châtaignier ou de chêne, ou au moyen. d'un disque en bois percé de trous nombreux, que l'on fixera horizontalement dans le fût, une fois plein, au moyen de montants en bois. Cette précaution ne s'applique qu'aux fûts dont un des fonds est enlevé.
Pour bien régulariser la fermentation, dès que celle-ci sera devenue active, on soutirera par le bas une partie du liquide que l'on remettra dans le fût par le haut. On répétera cette opération une ou deux fois, ou davantage si le liquide est très sucré; la dernière se fera lorsque la fermentation sera presque achevée.
La fermentation des vins de fruits obéissant aux mêmes règles que celle du vin de raisin
Le foulage, écrasement ou broyage
Le foulage, écrasement ou broyage des fruits s'obtiendra au moyen des pieds ou des mains, ou des fouloirs à raisin s'ils sont de consistance molle.
Sinon, on emploiera des concasseurs, ou moulins à pommes, comme ceux que nous décrirons en parlant de la fabrication du cidre.
Le pressurage des marcs, lorsqu'il s'agira de quantités un peu considérables, s'obtiendra avec les pressoirs décrits pour le vin, ou avec ceux pour le cidre. Si la matière est pâteuse, on l'établira par couches de 8 cm à 12 cm d'épaisseur, séparées par des toiles de chanvre ou de crin, des claies en osier, ou simplement de la paille, afin de permettre au liquide de se dégager.
Lorsqu'on traite de faibles quantités de fruits, on pourra employer des pressoirs plus petits. La figure ci-dessus en présente un modèle.
À défaut de pressoir, on enroulera le marc ou les fruits écrasés dans de la toile grossière et à tissu lâche, que l'on tordra énergiquement pour pouvoir exprimer le jus.
L'ouillage des fûts et les soutirages pour débarrasser les boissons obtenues de leurs lies se feront comme pour le vin.
Le filtrage
Le filtrage n'offre non plus aucune particularité, si ce n'est que, pour de petites quantités de liquides ou de lies à filtrer, on emploiera des filtres coniques en tissu de coton, que l'on trouve chez les fabricants de filtres pour le vin, et dont la capacité varie de 1 l à 100 l.
Les collages
Les collages se feront comme pour les vins blancs, c'est-à-dire avec de la colle de poisson et aux doses que nous avons indiquées pour ces sortes devins. Une addition de 10 g à 20 g de tannin par hectolitre de vin à traiter sera souvent utile.
Le cidre et le poiré, préparés avec ou sans addition d'eau, le petit cidre, le petit poiré, les cidres et poirés de ménage, les boissons de fruits sauvages et de fruits secs, et en général toutes les boissons de fruits à faible titre alcoolique, s'aigrissent facilement, surtout pendant les chaleurs de l'été, lorsque, pour la consommation journalière, on laisse le fût en vidange. Pour éviter l'acétification, on fera bien, dès la mise en perce du fût, de placer sur celui-ci le fausset hygiénique Marc décrit à la page 149, ou d'y verser une petite quantité d'huile d'olive de bonne qualité. L'huile forme une couche à la surface du liquide et s'oppose à l'action nuisible de l'air.